EXTRAITS


Je remercie mes chers clients qui ont accepté de partager certaines pages de leurs récits.

Katia
Je suis née au Burundi, l’un des plus petits pays d’Afrique qui pleure ses morts depuis 50 ans. Écrire ce livre est et restera une étape importante de ma vie. Vouloir poser sur le papier ces moments de vie, pour la plupart très difficiles, induit de multiples interrogations. Malgré les souffrances endurées, j’éprouve, sans que je ne puisse me raisonner, un troublant sentiment d’illégitimité à vouloir témoigner. Ce que je m’apprête à raconter n’est pas politique, c’est mon récit personnel, factuel, celui de mon enfance qui bascule 
dans l’horreur. Il ne s’agit pas de faire le procès de qui que ce soit, ni de faire le décompte de qui a le plus souffert, mais apporter ma vérité.[...]
Nous n’avions pas de jouet, nous jouions avec nos billes ou des cailloux ou encore des ballons improvisés que nous fabriquions avec des poches de plastiques fourrées les unes dans les autres pour former une boule un peu dense. Nous restions aux champs pour la 
journée, nous mangions ce qu’il y avait sur place, des arachides fraîches, des patates douces crues, des carottes, de la canne à sucre et aussi du manioc qui sortaient tout juste de terre avec ses racines blanches au goût spécial et très fort.
À Muyira, c’était la fête continuelle ! Le soir à la lumière de la lune, les voisins nous rejoignaient, nous chantions et dansions au son du djembé ou du transistor, les cousins chantaient des chants traditionnels. D’autres, près du feu de bois, nous livraient des histoires qui parlaient de la vie quotidienne, relayées d’une génération à l’autre, contes de sagesse que l’on n’étudie pas à l’école. 
Nous, les petits, nous participions avec enthousiasme emportés par cette chaleur humaine, d’ailleurs, tout ce qui se passait attisait notre curiosité.

[...]Je n’ai pas voulu cette guerre tout comme mes camarades de classe de mon enfance. Nous ne comprenions d’ailleurs pas cette histoire d’appartenance de chacun, car nous étions les enfants d’un même pays. Pourtant, peu à peu, nous sommes devenus otages des résurgences du passé…
J’avais à peine six ans lorsque mon regard terrifié s’est posé sur des corps ensanglantés qui jonchaient le bord de la route Va vers Bugarama. La peur me paralysait, mais il fallait marcher et avancer. Je m’accrochais à la main de Janvier, notre boy, qui nous accompagnait dans notre fuite. « Habille toi, on s’en va ! » m’avait crié maman d’une voix paniquée, quelques heures plus tôt. À 
ce moment précis, je ne réalisais pas que ma vie, notre vie à tous, allait changer irrémédiablement.

ROBERT MATOUGUI "Mon combat pour l'instruction"
J’ai aujourd’hui soixante-dix-sept ans et derrière moi quarante années de lutte acharnée. Je me suis battu corps et âme pour défendre l’égalité des chances. 
Je m’apprête à témoigner de mon action et je suis bien incapable d’en donner les véritables motivations. Je pense qu’elles sont multiples.
Évidemment, les victoires ont flatté mon ego, mais que de renoncements et d’abnégations pour en arriver là.
Je me suis vu confier des responsabilités et j’ai du m’engager sérieusement pour représenter des familles soucieuses
de l’avenir de leurs enfants. Cette lutte a fait de moi un homme plus fort, écouté et respecté. Je suis calme et déterminé, convaincu que l’œuvre commencée n’est pas achevée et ne le sera peut-être jamais. Il faut espérer d’autres "Matougui"dans différentes régions, et la prise de conscience des gouvernements successifs de la nécessité de ces structures d’accueil
ouvertes à tous. Il faut espérer des hommes qui prendront la relève de manière désintéressée, artisans de la lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme.
Il faut espérer que les enfants pourront faire des choix de vie qui correspondent à leurs aspirations. Qu’ils soient attirés par des métiers différents ou qu’ils souhaitent perpétuer les traditions familiales, ils ont besoin d’être armés et instruits.
Je suis convaincu que l’instruction est la richesse du pauvre et, bien entendu, une arme incontestable pour trouver sa place dans la société.
Vivre dignement et vivre dans le respect de l’autre ne sont pas des notions désuètes. Détenir le pouvoir de décision sur son avenir est un droit démocratique. Le droit à l’éducation est un droit démocratique sans aucune sorte de distinctions dues à la naissance, à la richesse ou à la couleur.
Ce combat, je ne l’ai pas mené seul. Je souhaite rendre hommage aux pionniers et à chaque personne ayant apporté une pierre à cet édifice, aux dépens, bien souvent, de leur vie personnelle.
Il faut également souhaiter que les bénéficiaires respectent les moyens mis à leur disposition et ne les considèrent pas comme acquis.
Je souhaite, avant tout, témoigner de l’utilité de ce combat. 
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NATHALIE PASCALE ASSIER "Les Clefs de la roulotte"
Maman disait couramment, de manière un peu provocante « On est des manouches, nous ! » ce qui faisait pâlir d’indignation ses frères et sœurs. Et pourtant, elle n’avait pas tort. Elle était très fière de ses origines et moi j’éprouve un immense respect pour notre histoire. Lorsqu’elle parlait de son enfance, des carences, des errances, j’observais oh combien ses nombreux frères et sœurs s’enfermaient dans un mutisme absolu. A contrario d’elle, ils éprouvaient une haine et une hargne non dissimulée envers leurs géniteurs. Les non-dits et les secrets de famille les empoisonnent aujourd’hui encore jusqu’à l’indigestion.  
Maman était en avance sur son temps. Pour autant, sa modernité ne l’a pas protégée des infortunes de sa vie de petite fille. On ne pouvait pas la qualifier de personne équilibrée. Elle souffrait beaucoup. Heureusement pour elle, elle ne dissimulait rien, elle aimait se raconter et c’est probablement cette sorte de thérapie qui l’a empêchée de s’enfermer complètement dans son mal-être.
Petite, je me posais beaucoup de questions, je me demandais pourquoi je ne vivais pas comme les autres, pourquoi ma mère était cette personne si étrange qui parfois me fuyait et parfois m’étouffait d’affection.
Il y a quelque temps, je prenais la direction du Mémorial de Mont-Ormel en compagnie de ma famille et de Tatie Thérèse, une de ses sœurs. Nous étions en confiance et Tatie m’a alors remémoré « l’histoire » de la famille. Montormel c’est aussi le nom du village, qui, ce jour-là, réveille en moi les paroles de ma mère : « c’est ici la maison de grand-mère ». Devant cette petite maison à colombages chargée de souvenirs, j’ai regardé mes enfants et j’ai compris l’importance de cette mémoire. Je me suis sentie porteuse de l’histoire familiale et j’ai décidé que cet héritage ne m’appartenait pas. La notion impérative de partage s’est imposée à moi, en tant qu’héritière du témoignage de ma mère. Plus tard, en consultant des archives j’ai découvert des documents et j’ai tenté de relier les contenus. J’ai pu reconstituer l‘arbre généalogique de la famille Toutain-Marochin jusqu’à 1789, date symbolique de ma révolution intérieure. Néanmoins, j’aspire à l’indulgence de ma famille. Mon analyse me concerne et l’introspection reste, bien entendu, la mienne.
L’idée d’écrire ce livre s’est concrétisée et, petit à petit, l’histoire s’est re-construite.
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REBECCA "Demain..."
Je suis née en 1997 d’une union singulière : mes parents se sont connus très jeunes, papa avait dix-sept ans et maman quatorze. J’ai déjà un frère qui a deux ans de plus que moi. Je suis une enfant désirée et, à première vue, nous formons une famille unie, mais ce n’est pas vraiment le cas.
Papa a une fâcheuse inclinaison, moche, inavouable. Pendant des années, je ne comprends pas les cris, les pleurs, les supplications de ma mère qui résonnent dans la maison. Je m’interroge, je demande à mon frère Frédéric qui me rassure. Il essaie de me protéger comme il peut, il me dit qu’il est là, il me fait des câlins et tente de me distraire. Mais je finis par comprendre l’évidence : papa est violent avec maman et je le regarde avec mes yeux d’enfant s’acharner sur elle ! Plus je grandis, plus je vois maman triste et désespérée sous les coups et les insultes de ce père dominant. Il la dévalorise, la culpabilise et la terrorise, elle a failli perdre la vie plusieurs fois et a déjà eu les côtes cassées et la mâchoire déplacée. Je souffre tellement pour elle, comment fait-elle pour supporter cela ? 

Les raisons sont multiples, mais comme pour des centaines de femmes battues, il y a un espoir subjacent : l’espoir de changement. Maman travaille et pourrait donc subvenir à nos besoins, mais elle n’ose pas en parler, ce qui se comprend. Elle est aussi sous l’emprise et redoute les menaces. "Il" nous utilise pour lui faire du chantage et la culpabilise sans arrêt. Il prend maman pour sa servante, elle le sert à table, et par exemple : si le plat préparé ne lui plaît pas, elle lui en cuisine un autre. Quant à nous, nous vivons dans un climat d’insécurité permanent, nous sommes terrorisés et impuissants. Cette vie est stressante, nous sommes sous le joug de ses humeurs et nous nous inquiétons à chaque instant pour elle qui espère encore que ses enfants soient entourés d’un papa et d’une maman. Elle pense qu’un jour il changera, qu’il comprendra son devoir de père, l’espoir fait vivre… 
En parler à une association, c’est difficile, enfin pour le moment, alors… elle accepte son sort, ou du moins elle le subit. Mais, nous vivons dans cette maison comme si nous étions des fantômes, il ne nous voit pas. Lorsqu’on lui parle,  Il ne répond pas, il passe son temps devant la télé ou, plus tard, devant l’ordinateur. Nous ne sortons jamais, il n’est jamais présent aux fêtes d’écoles, c’est maman qui gère tout et qui nous protège. Il ne vit pas avec nous, il vit à côté de nous, mais il ne nous calcule pas. Il n’a pas intégré que nous faisons partie de sa vie. 
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MONIQUE ET LOUIS DELESTRE "Un épais manteau blanc"
Nous sommes en décembre, le jour de Noël de l’année 1950. Les rues de Lille sont recouvertes d’un épais manteau blanc. Un froid intense glace les visages. À la sortie du cinéma, Le Familia, Monique et Louis se rencontrent, leurs regards bleus se croisent et se charment.
En 1954, Monique et Louis se disent « oui »
 Soixante-trois ans plus tard, ils sont toujours unis et heureux de l’être. Leur affection respective est palpable. Chez eux règne une sérénité rassurante. Ils évoquent dans ce livre, leurs souvenirs d’enfance liés à la Deuxième Guerre mondiale. Leurs débuts de jeunes mariés perturbés par un événement douloureux et puis leur belle vie à l’unique objectif, celui d’apporter du bonheur à leurs deux fils, Guy et Hervé. Puis, le temps venu, la joie d’être présents dans le cœur de leurs chers petits-enfants « pain d’épices »
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GILLES ROMBOLI "Et la vie continue"
« Avec la gentillesse, la politesse et l‘honnêteté tu passeras partout,
 Rappelle-toi toujours de cela »
Grand-mère Maria

Je m’entendais bien avec mon grand père Aristide, le père de mon père. Il était marchand de peaux de lapins et ferrailleur. Il est arrivé en France le 6 avril 1923 avec sa femme, ma grand-mère Maria. Il parlait français avec un accent italien et lorsqu’il s’énervait, sa langue maternelle reprenait le dessus. Nous partions à travers le pays, dans sa vieille Citroën, une camionnette B2 commerciale bâchée. Je devais avoir cinq ans, pas plus, je me vois encore assis sur la banquette deux places à l’avant. Je regardais les clignotants qui se soulevaient à l’horizontal de droite et de gauche. Une cloche était fixée à l’extérieur du véhicule, côté conducteur. Mon grand-père la faisait tinter à l’aide d’un petit maillet de bois et criait : « Peaux de lapins, peaux de lapins, poooooo ! » Les gens lui faisaient signe et après quelques conciliabules, concluaient : « On te donne la peau, mais tu tues le lapin. » Alors mon grand-père, armé de son couteau en os qui ne le quittait jamais, tranchait la gorge du lapin et le dépouillait. S’en suivait le petit canon offert par la maison. Et ce jour-là, nous en avons tué des lapins ! Les peaux étaient ensuite étirées sur un tendeur en ferraille et étaient séchées suspendues à de grands tubes ronds métalliques qui traversaient la soupente du grenier. 
Il récupérait également la ferraille qu’il pesait avec son peson et je ne sais pas comment il calculait mais ça finissait toujours par un calcul savant : « Allez hop, 42,8 = trois francs. » Il faisait celui qui calcule mais, en fait, c’était assez bidon. Le tout était ensuite revendu à une société, la Maison Chazel...
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EMILIA KOWAL "Un petit air de mazurka"
En 1944, j’ai six ans et j’intègre le cours préparatoire. Je ne parle pas vraiment français, mais j’apprends très vite. 
Les garçons et les filles ne sont pas mélangés, sauf en maternelle. Je vais à l'école, de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 16heures, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi matin, le vendredi et le samedi.
En général, les garçons jouent aux billes, à cache-cache, à la balle aux prisonniers et aux gendarmes et aux voleurs. Nous, les filles nous préférons la marelle et la corde à sauter.
Nos pupitres sont en bois avec un trou pour l'encrier et avec le banc attaché. Nous écrivons avec des portes plumes sergent major à l'encre violette sur des cahiers, des feuilles ou à la craie sur des ardoises. Le port du tablier est obligatoire, car il faut être "prop" ! 
Pour nous récompenser de bonnes notes on nous distribue des bons points, et pour les punitions on a droit au bonnet d’âne, des lignes à copier ou encore de faire le tour de la cour. L'instituteur tape aussi sur le bout de nos doigts avec sa règle, ce qui semble incroyable aujourd’hui !
Au programme : leçon de morale, français, dictée, conjugaison, calcul mental, histoire, géographie, sciences naturelles et gymnastique.

Compte tenu de la période, certains instituteurs ne restaient qu'une semaine, car les trois quarts étaient partis à la guerre. Ils ne restaient que des institutrices et des instituteurs plus âgés.
Mes parents parlant polonais, nous parlions polonais à la maison. Mon père parlait un peu français, car il travaillait à l’extérieur, mais ma mère n’en éprouvait certainement pas le besoin, elle disait quelques mots utiles comme merci, bonjour-bonsoir, soit, quasiment rien. Elle communiquait peu avec les voisins, pourtant il y avait une communauté polonaise importante dans la cité. 
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BIOGRAPHE FAMILIALE PRIVE
ECRIVAIN PUBLIC
RÉDACTRICE FREE LANCE
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